2ème Conférence sur le renforcement des liens entre Sécurité, Justice et Développement dans l’espace du G5 Sahel

par g5sahelnow

Discours du Secrétaire  permanent

Mesdames et Messieurs, bonjour,

Je prends la parole à un moment où l’action du G5 Sahel connaît un tournant. Alors que la Présidence nigérienne s’achève, un bref bilan se profile.

L’année a vu un leadership sans relâche donner corps à l’action d’une organisation régionale qui place les droits au cœur de son mandat. Grâce aux efforts du Président Issoufou Mahamadou, une attention égale à été portée aux droits comme garant de la stabilité et du développement. Qu’il s’agisse du financement et de l’organisation de la Force Conjointe ou de la levée de fonds pour mettre en œuvre le Programme d’Investissements Prioritaires, les initiatives n’ont pas manqué.

Cependant, l’heure est également venue d’observer l’évolution de la situation dans certaines régions du Sahel. Pendant longtemps, nous avons accordé plus d’attention à l’objectif qu’à la méthode. Il fallait à tout prix mettre les terroristes hors d’état de nuire. Nous n’y sommes pas entièrement parvenus et réalisons chaque jour à quel point la tâche est complexe. Fait préoccupant sans précédent, l’instabilité de certaines zones mets en péril le tissu social de quelques pays. La cohésion nationale est soumise à rude épreuve, et appelle donc à repenser notre action.

Pour y parvenir, trois priorités s’imposent à nous : 

  • Garantir le respect de tous les droits – des parties au conflit comme des civils
  • Placer la sécurité au service de la politique – et non l’inverse, en empêchant toute impunité
  • Créer de la confiance par une action juste et fondée en droit – c’est le « combat » le plus ardu
  1. Respecter tous les droits 

La grande difficulté de nos conflits c’est qu’ils deviennent des petites guerres civiles larvées. A vrai dire, nous ne combattons pas des ennemis sans visages ni identités connues. 

Le propre du terrorisme qui fait des émules locaux c’est les adversaires sont  des locaux « les nôtres », qui nous connaissent, ont pendant longtemps été nos concitoyens, voisins et parfois nos collègues.

Afin que notre œuvre soit pérenne et qu’elle prépare un avenir fondé sur la justice, nous devons nous rappeler que nos adversaires de l’intérieur et du moment ont, autant que nous, des droits et des devoirs.

Quels que soient les griefs invoqués pour prendre les armes contre les forces de sécurité et de défense, rien ne justifie d’attenter à la sécurité et aux conditions de vie des populations civiles. 

Si les experts évoquent un « cadre de conformité aux droits de l’homme », il convient de rappeler à tous les « citoyens » du G5 Sahel que, à défaut de régler les conflits par la négociation pacifique, la guerre a des règles auxquelles personne ne peut déroger.

Nous exhortons donc les forces armées et les forces de sécurité à s’interdire tout acte ou attitude qui enveniment des conflits dont nous découvrons chaque jour qu’ils répondent plus à des motifs criminels qu’à des revendications politiques « négociables ».

On ne combat pas les terroristes par la terreur car très vite les populations sont prises en tenaille et  ont peur de tout porteur d’armes car malheureusement nos armées n’ont plus le monopole des armes.

Nous cherchons à créer un ordre sûr, juste et stable – et parvenir à ce résultat requiert d’agir en fonction de principes non négociables.                                                  

  1. La sécurité sert la politique – et non l’inverse 

Force doit rester à la loi. Cela veut dire que les forces de sécurité rendent des comptes à l’exécutif et au législatif.

Le gouvernement et l’assemblée peuvent et doivent demander des comptes aux forces de sécurité et de défense.

Les violations des droits de l’homme sont pernicieuses à plus d’un titre.

Tout d’abord, elles rendent vide de sens le principe selon lequel nous protégeons et garantissons la sécurité de nos concitoyens. Comment expliquer au proche d’une victime qu’elle est morte sous les coups d’un soldat portant l’uniforme de l’armée nationale ?

Ensuite, elles nient l’humanité de l’adversaire et empêchent de voir l’étendue du problème auquel la nation est confrontée. Plutôt que de « neutraliser » un ennemi, pourrait-on envisager qu’il soit mis « hors d’état de nuire », fournisse des informations aux services secrets et soit jugé en public par les institutions compétentes ? C’est ainsi que les forces de sécurité peuvent servir la politique d’une nation.

Enfin, on voit parfois surgir une privatisation pernicieuse de la violence. Des punitions sont infligées par des acteurs sans statut ni mandat. Des individus disparaissent, des milices bénéficient de tolérance … un état de fait s’impose et crée une confusion dangereuse. Nos concitoyens ont droit à la justice, à l’administration, et au respect de leurs biens. Si des fonctionnaires dépourvus de moyens ne peuvent les garantir, ne croyons pas que des acteurs non formés, « auto-financés » et non surveillés y parviendront. Leurs actes finiront par nous coûter plus cher et rendront plus complexe tout retour à une vie civile fondée sur l’entente et la concorde. 

  1. Créer la confiance

Désormais, fait sans précédent dans notre région, des mines sont posées sur nos routes. 

Tel groupe vole le cheptel de son voisin, profite des opérations militaires d’une partie au conflit pour assouvir sa vengeance, devient victime de la riposte de ses ennemis d’hier … et nous apprenons que vingt à trente civils périssent froidement assassinés.

Il nous faut parler avec les civils, les écouter – et s’assurer que leurs besoins bénéficient de l’attention des pouvoirs publics.

Dans bien des cas, la situation est devenue si grave que certains de nos compatriotes en sont venus à placer la paix avant les puits. 

Nous savons que les deux vont de pair, mais nous devons surtout nous assurer que les structures sont en place pour que la concorde règne.

Les adversaires de la « sécurité et du développement » nous attaquent en sachant parfaitement quelles sont nos faiblesses. 

Il importe donc que nous menions sans relâche un travail vigilant de « réarmement moral ».

Il nous faut (re)gagner la confiance des civils et exiger des forces de sécurité et de défense qu’elles se placent au service de la justice.

Aucun développement ne peut porter ses fruits sans qu’il associe et rétribue toutes les composantes d’une nation.

Pour que ce soit possible, il faut faire preuve de fermeté pour que règne la force de la justice et que la prospérité soit répartie. 

  • Conclusion 

Nos Etats sont fragilisés par deux phénomènes : l’action de groupes violents, qui s’attaquent aux symboles de l’administration et, se sachant faibles, ne peuvent conquérir aucun territoire. Leur travail de sape est dévastateur et requiert nos efforts redoublés. D’autres acteurs prétendent servir nos gouvernements, et s’attribuent la sécurisation de zones en menant des actes mettant en péril la concorde nationale. 

Il faut refonder la paix sur les droits et devoirs de l’administration et des citoyens. Ce sera ardu, mais il ne faut pas céder à la facilité de l’impunité pour tisser à nouveau les liens de la confiance.

Pour y parvenir, il faudra donner la parole à nos concitoyens, leur parler sur un pied d’égalité et mettre à leur disposition les outils innovants d’une communication de proximité.

Quand droits et devoirs auront été rappelés et que nos forces de sécurité auront rétabli la quiétude d’esprit nécessaire, viendra le temps des arbitrages et de l’action collective pour un Sahel prospère et dynamique.

Nous comptons sur tous et sur chacun d’entre vous pour que cet objectif soit le nôtre – pour notre région et tous ses habitants.

 

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