Conférence régionale du G5 Sahel : Soutenir la feuille de route du président en exercice du G5 Sahel, Discours du Secrétaire Permanent

par g5sahelnow

IMG 2451Je tiens à remercier les organisateurs pour donner au Secrétariat Permanent l’opportunité d’exposer brièvement la situation du G5Sahel.

Cet événement se tient à un moment important de la vie de notre institution régionale. 

En effet, le Niger assume la présidence tournante alors que trois défis majeurs doivent être relevés : renforcer la stabilité, favoriser la prospérité et consolider l’outil créé par ses cinq Etats-membres (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad).

Les efforts consentis par ces derniers sont considérables – et gagnent à être renforcés. 

Cette présidence tâche de poursuivre l’œuvre entamée par celles qui l’ont précédé en insistant, notamment sur la dimension sahélienne de notre réponse.

La crise que nous traversons sollicite nos intelligences – et ce lieu de réflexion stratégique qui nous accueille indique l’importance de notre « leadership intellectuel ».

Par ailleurs, la présidence actuelle nous invite à déployer notre vision – dans la région et au-delà. 

Le Président Issoufou Mahamadou porte la voix du G5S dans de nombreuses instances – en Europe (avec la France, l’Allemagne ou l’Union européenne. En Amérique (avec les Nations Unies, où il a rencontré récemment des partenaires telle que la Banque Islamique de Développement et le gouvernement américain). En Asie (en Chine notamment ainsi qu’au Japon, où le G5 était représenté à la récente TICAD), au Moyen Orient auprès de nos frères en Islam (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis). Et surtout en Afrique (avec l’Union Africaine et sa présidence tournante, la CEDEAO, l’UEMOA…). 

Ce dynamisme contribue également à doter le G5 Sahel -en tant qu’institution – des moyens qu’il lui faut. Il convient de lever des fonds pour que le Secrétariat Permanent assume sa mission de coordination d’une réponse robuste et équilibrée en faveur de la sécurité et du développement.

Merci donc au Niger – à son chef d’Etat, son gouvernement, ses institutions et ses forces vives – pour les efforts, invitations, et encouragements prodigués dans la consolidation de notre jeune institution. 

  • Une jeune institution – capitalisant sur une histoire plus ancienne

L’organisation régionale a moins de 5 ans, il s’agit donc d’une jeune institution. Cependant, cet horizon offre un recul suffisant pour mener une rapide analyse sur le chemin accompli.

Le G5 Sahel est né d’une crise compromettant la stabilité de la région. 

Cette initiative rassemble des peuples et des Etats appartenant à l’Afrique du Nord, à l’Afrique de l’Ouest et à l’Afrique centrale. 

Si le Sahel est, étymologiquement, un « rivage », c’est aussi une zone où l’imbrication des hommes et de leurs sociétés est ancienne.

Notre action s’inscrit donc dans la continuité d’une ingénierie sociale conçue par des formations politiques anciennes et prestigieuses – Ghana, Kanem, Mali, Songhay …

Ces noms nous rappellent que si les Etats sont mortels, les civilisations connaissent une autre temporalité. 

Ils nous invitent également à voir l’intégration régionale en ancrant notre exigence sur les ressources d’un patrimoine commun.

Qu’il s’agisse de géographie, de politique, d’économie et de culture – nous avons tant en commun !

Comment tirer parti de ce capital immatériel pour le convertir en prospérité partagée ?

Notre action s’inscrit dans la continuité d’une initiative comme le Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS).

1973 – 2014 : 41 ans sont passés et l’histoire s’est accélérée. Pourquoi sommes-nous passés de la « sécheresse » au couple « sécurité et développement » ? Dans quel/s temps inscrire notre action – et ses résultats ?

  • Urgence – et nécessaire patience

Un constat s’impose, résumé par l’image de la « prise d’otages ». Voici près de vingt ans, une activité économique lucrative s’est créée autour de la capture d’occidentaux. Détenus puis filmés, leurs vies ont été mises à prix – et la majorité des Etats dont ils étaient ressortissants ont payé des millions de dollars à des acteurs de l’ombre opérant dans la zone sahélo-saharienne. Si ces victimes ont joui d’une forte médiatisation, tel n’a pas été le cas de zones entières dont les populations sont devenues les otages d’une situation d’insécurité – climatique, économique, et surtout, sécuritaire. 

Qu’elle soit criminelle ou « politique », la violence organisée à laquelle nos pays sont confrontés ne peut être dissociée du désarroi de nombre de nos concitoyens. Fort de ce constat, le mandat du G5 Sahel unit « sécurité et développement ». Il s’agit d’obtenir une plus grande stabilité – en sachant qu’elle permet une prospérité partagée.

Ces efforts reposent sur la confiance, sérieusement ébranlée en de nombreux lieux. Comment consolider ou recréer le contrat social – afin que la Force Conjointe du G5 Sahel ne soit pas vue comme un acteur « étranger » dans notre région ? 

La première responsabilité des forces de sécurité n’est pas de vaincre un ennemi furtif, véloce, et insaisissable. Il s’agit avant tout de protéger les civils et de répondre à leurs besoins afin que leur méfiance ne devienne pas un atout dont se serve l’adversaire. Notre premier combat consiste à regagner la confiance – c’est pourquoi nous améliorons nos dispositifs d’organisation et de communication.

Cela prend du temps. Il faut concilier l’urgence et la patience. Il nous faut répondre le plus vite possible aux nombreux besoins identifiés par nos Etats-membres. Il convient également d’inscrire notre action dans un temps plus long – celui qui permet des résultats pérennes.

Aux niveau régional et national, la particularité du Sahel tient à ce contexte ; au niveau international, la situation est rendue complexe par sa position stratégique.

  • Une situation peu commune

Notre conférence régionale est à la confluence des « études stratégiques » et de l’action politique. Konrad Adenauer fut un homme d’Etat qui contribua à la prospérité de son pays après un conflit d’envergure planétaire. Les victimes se comptèrent par millions – près de 5,5 millions de soldats et entre 1 et 3 millions de civils pour son seul pays. 

Les questions de sécurité et de prospérité sont indissociables de la destinée de toutes les sociétés. C’est pourquoi les défis du Sahel le placent au cœur d’enjeux internationaux. Prenons Agadès pour exemple, centre commercial et hub logistique, la ville attirait nombre de touristes fascinés par son patrimoine – et notamment la qualité de son artisanat. 

L’insécurité organisée par les preneurs d’otages a réduit l’accès à une majeure partie de la zone sahélo-saharienne. La crise libyenne a profondément déstabilisé notre région. La réputation d’Agadès est désormais celle d’un centre du transport de migrants d’Afrique subsaharienne qui traversent le Sahara. Vu d’Europe, il faut remédier aux migrations ainsi qu’au terrorisme. 

Préoccupés par l’insécurité dans notre région, les bailleurs de fonds ont organisé la Conférence internationale de haut niveau sur le Sahel (23 février 2018, Bruxelles). Les promesses de financement s’élevaient à 414m €. 

A ce jour, moins de 200 m € ont été versés à des institutions non sahéliennes. Par ailleurs, ce mode de fonctionnement est lent. 

Depuis le Sahel, beaucoup observent avec circonspection la militarisation du Sahara et les conséquences de la mise en œuvre des politiques migratoires de nos partenaires européens. De notre point de vue, l’essentiel est d’offrir de meilleures perspectives afin que les nombreuses opportunités de notre région rendent prospères ses habitants. Nous traversons donc une période unique et riche en défis – soyons en conscients et trouvons dans nos ressources la force d’en tirer parti !

  • Un moment unique

En matière de sécurité, le G5 Sahel améliore son dispositif. Après six opérations, la Force conjointe consolide sa réponse et fait de l’amélioration des relations civilo-militaires une priorité. Les fuseaux d’intervention frontaliers sont des lieux où l’action de la police et de la justice doivent également se faire sentir. 

La réponse militaire est l’un des outils à la disposition des Etats membres du G5 Sahel. Pour qu’il soit efficace, il doit être accompagné de vigilance politique et de financement pertinent.

Le G5 Sahel a créé un fonds fiduciaire pour financer la Force Commune. A ce jour, le gouvernement du Rwanda et à l’Union économique et monétaire ouest-africaine l’Ouest (UEMOA) ont contribué à hauteur d’1m et de 762 000 € respectivement. La CEDEAO suit.  

Nous poursuivons nos efforts et la sécurité figure en bonne place parmi les 40 projets de notre Programme d’Investissements Prioritaires (PIP) – soient 400m € sur un montant total d’1,9 milliard €.

Notre priorité actuelle est l’organisation de la (première) conférence de coordination des bailleurs et partenaires qui se tiendra le 6 décembre à Nouakchott. Elle vise à financer le pilier « développement » de notre organisation. Les engagements obtenus s’élèvent à 13% du montant et les priorités thématiques sont les suivantes : gouvernance (81m €), résilience (200m €), sécurité (396m €) et infrastructures (1 milliard €).

Pour ce faire, nous négocions au sein de la région, et avec nos partenaires issus d’autres régions de l’Afrique, d’Amérique, d’Europe et d’Asie. Il nous semble primordial que les projets à venir associent les acteurs sahéliens de la conception à la capitalisation en passant par la mise en œuvre. 

C’est pourquoi, encore et toujours, il importe que le Secrétariat Permanent écoute, apprenne et échange. Quatre de ses membres sont parmi vous ce jour – et nous espérons profiter de cette rencontre pour partager notre expérience et les perspectives de notre action. N’hésitez pas à nous approcher car le SPG5S sert les forces vives de la région – et toutes celles qui contribuent à sa prospéri

Un dernier mot, avant de vous remercier pour votre patience et votre intérêt pour le Sahel.

Appuyer efficacement les efforts de notre région implique de recourir à ses structures opérationnelles.

Elles existent, bien qu’elles soient parfois discrètes ou méconnues.

C’est le prix de la pérennité – et c’est l’une des conditions du succès.

La route sera longue et ardue mais la vision est claire : accroître nos compétences et agir, ensemble, pour la sécurité et la prospérité du Sahel et de l’Afrique.

.

 

Dernières nouvelles