Discours du Secrétaire Permanent du G5 Sahel à l’inauguration du College Sahelien de Sécurité

par g5sahelnow

sp au CSSMonsieur le Ministre de la Sécurité et de la protection Civile,

Mesdames et Messieurs, les Ambassadeurs,

Chers Invités,

La mission du G5 Sahel s’inscrit dans un cadre reposant sur la « sécurité » et le « développement ».

En effet, toute prospérité est fondée sur la paix – et cette dernière résulte de l’effort de chacun.

J’en veux pour preuve la courtoisie de certaines cultures sahéliennes qui – pour tout « bonjour » – vous adressent d’emblée leurs vœux de paix – quand elles ne s’empressent pas de savoir si vous êtes « en paix ».

La paix comme la sécurité résultent d’un « contrat », un accord tacite par lequel chacun offre des garanties à son semblable. 

Ce qui vaut pour les hommes s’applique également aux Etats – en unissant leurs forces, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad ont créé le G5 Sahel voici quatre ans. 

Ils savaient que l’efficacité de l’action collective dépasse celle des œuvres individuelles, quelles que soient leurs qualités. 

Permettez-moi d’abord de rappeler que notre œuvre  en faveur de la stabilité et de la prospérité s’inscrit dans une longue continuité.

Voici des siècles, des hommes et des femmes ont pensé l’action collective à l’échelle régionale.

Ils ont créé des ensembles politiques répondant aux noms de Ghana, Mali, Songhay, Kanem-Bornou, Sokoto … et ont conçu une ingénierie sociale à la mesure des défis de leurs temps.

Parce que la paix et la sécurité sont des biens communs, l’organisation de la mobilité des hommes et des biens concernait de vastes contrées.

Elle se traduisait par une gestion des migrations dont le voyageur marocain , Ibn Batouta fit l’expérience en 1352. 

Dans l’empire du Mali, les ressortissants du Maroc et d’Egypte devaient se porter garants des voyageurs du Maghreb et du Machrek pour qu’ils obtiennent un « visa ». On n’y entre pas sans autorisation.

A l’intérieur des frontières, la sécurité des biens et des personnes était l’un des critères à l’aune desquels on jugeait les Etats – et leurs responsables. 

En 1826, lorsqu’il traverse l’empire de Sokoto (couvrant une partie du Niger actuel), l’anglais Clapperton note « l’on disait communément qu’une femme pouvait voyager sûrement avec un panier d’or sur la tête, d’une extrémité des Etats (…) à l’autre ». 

Dans le Mali actuel, au Macina, lorsque décède le fondateur de la Diina en 1845, voici comment un de ses contemporains rend hommage à Sékou Amadou: « grâce à lui les routes du pays sont devenues sûres et chacun voyage sans peur ni appréhension ».

Les attentes des Sahéliens en matière de sécurité ne sont donc pas nouvelles. 

Les circonstances ont changé, mais l’exigence demeure : créer des institutions solides permettant que règne la force du droit.

Car des règles existaient – protégeant notamment les civils en situation de conflit. 

C’est ce que souligne Sidi Abdallah al-Kounti en 1751 lorsqu’il rapporte les propos d’un certain ‘Ughmar b. Alad qui « annonça à ses guerriers qu’aucun d’entre eux ne devait faire le moindre mal aux habitants de Tombouctou (…) et qu’il ne fallait s’en prendre qu’aux brigands et aux combattants ».

Afin de préserver l’application impartiale du droit, quand survenaient des conflits, leur résolution incombait souvent aux hommes de Dieu, aux Anciens et aux érudits dont la probité et la dignité faisaient consensus. 

Au XVIIe siècle, Es-Sadi évoque Hammadi Amina, ardho du Macina qui n’accepta comme médiateur que l’imam de Djenné déclarant « cette question ne doit pas être traité par des agents du pouvoir. C’est la prérogative des lettrés car il s’agit d’établir la paix et la bonne volonté (‘islah) entre les hommes ».

Le savoir est l’un des outils les plus précieux pour qui veut garantir la sécurité. 

Cela implique de mieux se connaître, et d’approfondir la connaissance de ses semblables. 

En outre, ce constat invite à faire d’un lieu comme celui-ci un vecteur d’acquisition, de partage et de diffusion de savoir – pour atteindre nos objectifs de paix et de prospérité.

Créé en 2012 puis placé sous la tutelle du G5Sahel depuis 2015, le Collège Sahélien de Sécurité (CSS) est l’une des pièces d’un dispositif d’intégration régionale qui prend peu à peu forme.

Nous devons à l’Union européenne de lui avoir donné une nouvelle impulsion, au moyen d’un projet de 7 millions d’euros financé par le Fonds Fiduciaire d’Urgence dont il constitue l’un des trois volets.

Mis en œuvre depuis mai 2017 par Civipol, société de conseil et de service du ministère de l’Intérieur français, il dispense en moyenne une formation par mois.

Parce que la sécurité concerne un grand nombre de parties prenantes, la formation permanente bénéficie à des praticiens travaillant dans les domaines de la défense, de la police, de la justice et du « lien social » (je pense aux acteurs de la société civile et aux leaders religieux).

A ce jour,  15 formations ont été dispensées à  366 personnes  dont 25% de dames – proportion que nous souhaitons accroître.

Les compétences et expériences échangées portent sur la gestion des frontières, la police judiciaire, le renseignement et l’ingénierie de formation. 

Ainsi, savoir et savoir-faire sont dispensés à des professionnels issus des cinq pays de la région avec l’objectif de créer un réseau dont la valeur ajoutée tient pour une bonne part à l’échange d’expériences.

A terme, le G5 Sahel veut créer une communauté de vision et de pratiques à travers ses Etats membres – afin de rendre notre action collective plus efficace et efficiente.

Pour l’instant, le co-pilotage du Collège Sahélien de Sécurité avec CIVIPOL se décline de la façon suivante. 

Au niveau politique, le Conseil des ministres suit la mise en œuvre de sa décision du 10 novembre 2015 – concernant le rattachement de l’institut d’enseignement supérieur au G5Sahel.

D’un point de vue stratégique, le conseil d’administration du CSS est présidé par l’expert défense et sécurité du Secrétariat Permanent. 

Chaque Etat y est représenté par deux personnes et il se réunit deux fois par an. 

Au niveau opérationnel, la sélection des participants aux cycles de formation qualifiante incombe aux Cellules Nationales de Coordination, dont l’animation incombe aux points focaux.

Permettez-moi d’ailleurs de saluer les efforts accomplis au Mali par l’un d’entre eux, M. Chérif Hamidou Ba, dont le concours est primordial pour la bonne conduite de nos activités.

Voici donc le dispositif, que nous voulons souple – et qui fonctionne grâce à la mise à disposition d’un local par le gouvernement du Mali.

Cependant, nous ne sommes qu’au début d’une action qui doit gagner en ampleur et en profondeur.

Trois priorités me semblent mériter notre attention.

  1. La première tient d’abord au contenu des savoirs dispensés. 
  • Comment mettre les formations au service d’une vision sahélienne des enjeux de sécurité ? 
  • Comment fédérer les compétences de notre région pour qu’elles soient connues, partagées, et renouvelées au contact d’experts issus d’horizons variés ? 
  • A titre d’exemple, à supposer que l’on décide d’approfondir le travail initié avec les leaders religieux, comment initier une coopération avec l’Université islamique au Niger sur « droit islamique » et protection des civils ?
  1. La seconde action, primordiale, est la constitution d’un écosystème contribuant au fonctionnement du G5Sahel. 
  • Quels gains tangibles peut-on tirer de l’investissement fait par l’institution et tous ceux qui lui font confiance en suivant son enseignement ?
  • Comment mettre la formation continue offerte par le CSS au service de la montée en gamme de nos institutions nationales et régionales ? 
  • Une piste serait notamment de tirer le bilan des six opérations de la Force Conjointe du G5S avec leurs parties prenantes pour améliorer les prochains déploiements de bataillons et adopter un concept pour nos activités civilo-militaires. 
  1. Enfin, élément incontournable, comment accroître le financement disponible pour le CSS ?
  • A ce jour, une formation coûte entre 40m et 52m FCFA par mois (60 et 80 000 euros/mois). 
  • Le savoir a un coût, mais l’ignorance est plus onéreuse encore – c’est pourquoi le financement du CSS est inclus  parmi les projets de la première phase (2019-2021) du Programme d’Investissements Prioritaires (PIP).
  • La sécurité figure en bonne place parmi les 40 projets présentés aux partenaires du G5S – et représente 400m € sur un montant total d’1,9 milliard €.

Le 6 décembre, à Nouakchott, lors de la première conférence de coordination des bailleurs et partenaires du G5Sahel, nous espérons obtenir suffisamment de fonds pour permettre de réaliser le  potentiel de notre jeune organisation régionale.

Nous savons cependant que la levée de fonds devra être permanente  si nous souhaitons accroître l’influence du CSS et sa contribution à la réussite du G5 Sahel. 

En guise de conclusion, je souhaite rappeler à quel point le Mali est une pièce maîtresse dans l’équilibre du Sahel. 

C’est pourquoi, depuis le début du mois de septembre, c’est la troisième mission que le G5Sahel y mène afin de contribuer à sa stabilité et sa prospérité.

Du 1er au 4 septembre, nous étions à Gao, Sévaré puis Bamako, pour la prise de fonction du nouveau commandant de la Force Conjointe, le général Hanena Ould Sidi.

Les 5 et 6 septembre, le G5Sahel était à Bamako pour promouvoir le thème de la résilience des populations vulnérables – avec nos partenaires de la FAO et du PAM.

En effet, la prospérité des populations rurales est un facteur fondamental de la paix civile et du développement harmonieux de notre région. 

Parce qu’elles contribuent à la mise en valeur du territoire ainsi qu’à l’occupation de l’espace, les activités agrosylvopastorales méritent l’attention des décideurs et des acteurs économiques – et figurent en bonne place de notre Programme d’Investissements Prioritaires (PIP).

Parce que la sécurité est l’affaire de tous, elle est la clé de voûte des projets collectifs au sein de nos Etats et de notre région.

Déclinée sous le vocable de « sécurité alimentaire » ou de « sécurité humaine », elle souligne à quel point notre prospérité en dépend.

Mesdames et Messieurs, 

Voici donc un outil, le Collège de Sécurité du Sahel, qui est « nôtre ».

Tâchons d’en faire une plateforme pour valoriser les compétences, les savoirs et l’ingénierie sociale du Sahel.

Pour mieux intégrer le CSS dans la pensée et l’action du G5Sahel, nous aurons sans doute besoin d’échanger avec d’autres institutions de la région – comme la « Chaire Sahel », laboratoire d’idées situé à Ouagadougou.

Mais nous aurons surtout besoin de vous, de vos commentaires, de vos suggestions, en un mot de votre engagement, pour que le CSS réponde aux attentes et besoins de notre région.

N’hésitez surtout pas à nous approcher à cet effet et sachez que vous pourrez compter sur notre sincère intérêt.

La route sera longue et ardue mais la vision est claire : accroître nos compétences et agir, ensemble, pour la sécurité et la prospérité du Sahel et de l’Afrique.

C’est pourquoi, au nom du SEM. Issoufou Mahamadou, président en exercice du G5S, je souhaite rendre hommage au gouvernement du Rwanda et à l’Union économique et monétaire ouest-africaine l’Ouest (UEMOA) pour leur appui financier à notre organisation.

« Leurs contributions de 1.000.000 $ et de 762 000 € montrent l’importance de la stabilité du Sahel pour la prospérité du continent. Nous espérons que leur exemple convaincra d’autres institutions africaines de contribuer à nos efforts ». 

Je vous remercie pour votre présence, votre attention, et votre intérêt pour le Sahel.

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