Gare routière et Centre Hospitalier Régional rénové de Dori

par g5sahelnow


Le jeudi 20 février 2020 dans la région du Sahel, le président Roch Kaboré a, dans le cadre des projets à impact rapide du G5 Sahel, inauguré la gare routière de Dori et le Centre hospitalier régional (CHR) rénové de ladite région. Pour pousser davantage sur cet engagement d’urgence du G5 Sahel et ce qu’il poursuit en 2020 pour les populations des zones fragiles de l’espace saharien .

Lefaso.net : Cette inauguration d’infrastructures…, un bol d’oxygène pour le G5 Sahel, quand on sait les difficultés que vous avez à démontrer les réalisations sur terrain ?

Mikaïlou Sidibé : Merci pour cette opportunité que vous nous offrez de parler non seulement de cette inauguration d’hier (l’interview a eu lieu le vendredi, 21 février, ndlr), mais également de tout ce que nous portons, au niveau du G5 Sahel, comme initiatives en faveur des populations, spécialement dans les zones les plus fragiles.

Effectivement, après avoir organisé la Conférence pour mobiliser les financements pour la réalisation de notre Programme d’investissements prioritaires (Conférence de coordination des partenaires et bailleurs de fonds du G5 Sahel, tenue le 6 décembre 2018 à Nouakchott, en République islamique de Mauritanie, ndlr), on s’est donné pour objectif, au cours de la présidence en exercice du Burkina Faso, d’obtenir des résultats concrets, avant vraiment que le président Kaboré ne passe le flambeau à son homologue mauritanien.

Le projet que nous avons inauguré hier est donc un exemple patent. C’est une composante d’un projet qui va toucher les trois pays (le Burkina, le Mali et le Niger), dans cette zone des trois frontières et également dans les autres pays du G5 Sahel. Nous travaillons d’arrache-pied à engranger des résultats concrets à travers notamment la multiplication de projets socio-économiques à impact rapide au bénéfice de nos populations.

La dernière fois, quand nous vous rencontrions à la Conférence internationale de Nouakchott, dont vous étiez d’ailleurs l’une des chevilles ouvrières, vous confiez que la présidence tournante du Burkina (février 2019 – février 2020) était également un défi personnel pour vous. N’avez-vous pas douté à un moment donné de la concrétisation de ce projet qui vient d’être réalisé ?

Non, je n’ai pas douté ; parce que c’est un objectif important que nous avait assigné la hiérarchie, notamment le secrétaire permanent (Maman Sambo Sidikou, ndlr) et le président en exercice Roch Kaboré qui nous a appuyé sur le volet diplomatique et politique pour pouvoir mobiliser les financements. Une fois que les finances ont été mobilisées sur la base des promesses qui ont été faites, le reste, c’est un travail technique et ça, c’est ce que je peux modestement faire le mieux.

On a donc monté le projet, on a lancé rapidement les travaux dans cette zone, qu’on dit difficile, mais malgré tout cela, nous avons pu livrer l’ouvrage en trois mois ! Quand vous lisez la joie sur les visages des populations, ça ne peut que donner encore plus de motivation à travailler davantage pour répondre aux préoccupations des populations de l’espace G5 Sahel.

Le G5 Sahel était critiqué de ne pas réaliser de résultats concrets pour les populations. Avec cette réalisation socio-économique…, c’est désormais un tonus supplémentaire pour la suite !

Absolument ! Ça nous conforte, incontestablement. Ce que nous avons inauguré hier est une composante sur quatre de ce projet qui est en train d’être mis en œuvre. Donc, en plus de la remise à niveau de ce CHR de Dori, qui a consisté à le doter d’un système autonome d’adduction en eau potable, de retoucher le plateau technique, etc., nous avons un autre volet qui concerne l’économie pastorale au niveau de la zone à cheval entre les trois pays (Burkina, Mali, Niger).

C’est donc une aire pastorale que nous allons aménager, des couloirs de transhumance, des retenus d’eau, des boulis, des postes de sécurité et au niveau de la ville de Tillabéry au Niger, nous allons moderniser totalement l’abattoir frigorifique, notamment la chaîne de froid et l’aire d’abattage.

Au niveau du Mali, nous allons construire, à Gossi, des magasins d’aliments pour bétail avec un stock pour une première année. C’est véritablement donc l’économie pastorale et la santé des populations qui sont mises en avant à ce niveau-là.

C’est sur quelle échéance vous prévoyez tout cela ?

Dans moins de dix mois, les autres composantes qui ne sont pas encore achevées seront inaugurées. Tout cela sera réalisé au cours de l’année 2020.

On sait que dans quelques jours, le Burkina va passer la présidence du G5 Sahel à la Mauritanie. De façon générale, quel bilan personnel faites-vous de cette présidence en exercice ?

Tout récemment, nous avons travaillé justement sur le rapport portant mise en œuvre de la feuille de route de la présidence en exercice du Burkina Faso, qui dégage un taux d’exécution très satisfait.

Cette feuille de route était déclinée en quatre actions ; il y avait un point qui concernait l’opérationnalisation de la Force conjointe, beaucoup d’actions ont été menées, surtout sur le plan diplomatique et politique, avec notamment cette coalisation qui va être mise en œuvre au niveau du fuseau centre et qui va s’attaquer à l’insécurité endémique au niveau de la zone des trois frontières. C’est donc un réel motif de satisfaction à ce niveau. La deuxième composante, c’était la mobilisation des financements pour la mise en place des projets de développement.

La troisième et la quatrième priorité, sont en rapport avec les initiatives en faveur des femmes et des jeunes. En somme, avec l’accompagnement politique et diplomatique du président Kaboré, nous avons pu bien travailler et aujourd’hui, on peut dire que cette présidence a été un succès. Le sommet de Nouakchott, le 25 février prochain, pourra faire le bilan de façon complète et dégagera vraiment tout ce qui a été engrangé comme acquis. La Mauritanie qui a déjà élaboré sa feuille de route, s’appuiera sur ces acquis pour relever les nombreux défis qui sont encore à relever pour la paix, la stabilité et le développement de notre espace sous-régional.

Parlant des infrastructures inaugurées à Dori, comment a été fait leur choix ?

Une fois que nous avons mobilisé les financements, nous nous sommes dit qu’il faut que les projets que nous mettrons en œuvre touchent directement les populations, qu’ils soient indubitablement l’expression des populations à la base. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les collectivités territoriales, en l’occurrence la C3 Sahel pour ce qui est de la zone des trois frontières. C’est une structure bien organisée, rassemblant les collectivités frontalières des trois pays (Burkina, Mali et Niger, ndlr).

La C3 Sahel nous a proposé un certain nombre d’actions qui entrent dans les priorités de notre programme d’investissements prioritaires. Donc, en retenant ces activités qui sont graduellement mises en œuvre, c’est véritablement pour répondre aux besoins des populations. Ces activités permettront naturellement de renforcer leur confiance (vous savez que dans cette lutte contre le terrorisme, on a besoin de cette confiance entre les populations et les Forces de défense et de sécurité, que ces populations aient également confiance vis-à-vis de leur Etat, qu’elles sentent que leur Etat est là pour elles). Donc, nous nous collons vraiment aux besoins réels des populations à la base.

Il y avait en ligne de mire également, cette volonté d’accélération des infrastructures socio-économiques aux frontières. Avec la dégradation de la situation sécuritaire, les populations de ces zones sont déplacées, cela n’a-t-il pas modifié votre trajectoire de départ ?

C’est vrai que ce facteur a été pris en compte. Chez nous, on parle de changement de paradigme. En fait, on avait deux types de projets : les projets à impact rapide et les projets structurants (parce qu’on sait que ce sont d’autres types d’actions, plus robustes, qui vont pouvoir vraiment changer la physionomie de la région). Mais comme vous l’avez dit, la dégradation de la situation dans ces régions nous a fait observer qu’il fallait mettre l’accent en urgence sur ces projets à impact rapide.

C’est ce qui nous a vraiment motivé à aller rapidement pour mettre en œuvre ces projets pour pouvoir inverser cette tendance désastreuse dans ces zones et également avoir à l’esprit que les projets structurants qui doivent changer transformer ces zones doivent être conduits et la mobilisation des financements à ce niveau se poursuit, notamment dans le domaine des transports (les infrastructures routières pour pouvoir relier les pays), des ouvrages d’accès à l’énergie, d’adduction en eau potable.

Donc, nous gardons en mémoire ces projets structurants, mais nous lançons en parallèle plusieurs projets à impact rapide pour venir en aide aux populations qui sont très éprouvées.

Effectivement, on a ces populations devenues des déplacées, car ayant été obligées de fuir leurs villages d’origine. Le G5 Sahel prévoit-il des actions d’urgence en faveur de cette catégorie de populations ?

Absolument, au-delà de ce projet dont une partie a été inaugurée, nous avons ce que nous appelons le PDU (Programme de développement d’urgence du G5 sahel), qui comprend deux composantes qui touchent au renforcement de la résilience des populations, la cohésion sociale. Actuellement, quelques-uns des projets du PDU sont lancés. Pour la plupart en tout cas, au moins les contrats avec les prestataires qui doivent mettre en œuvre ces initiatives ont été signés. Courant cette année 2020, nous allons passer à leur mise en œuvre de tous les projets restant afin de soulager nos populations.

Je tiens à préciser par exemple qu’en réfectionnant ce CHR, c’est non seulement pour servir les populations de la ville de Dori, mais également en faveur de toutes les populations déplacées (non seulement des déplacés internes, mais également des autres pays). Nous n’avons donc pas perdu de vue cette réalité, naturellement, ça ne va pas au rythme que tout le monde souhaite, vu la précarité dans laquelle les gens vivent, mais nous avons vraiment à l’esprit cela et nous comptons également sur la mobilisation de la communauté internationale pour pouvoir inverser cette situation déplorable.

Le président du Faso, Roch Kaboré, en tête-à-tête avec l’expert Mikaïlou Sidibé (au milieu) et le maire de Dori avant la cérémonie d’inauguration

C’est un très grand pas de franchi avec ces infrastructures de Dori. Quels sont les défis immédiats pour votre département ?

C’est déjà les autres projets qui ont pu accrocher les partenaires. Après la conférence sur la mobilisation des financements, les promesses qui ont été faites, nous passons à la mobilisation de ces fonds et au fur et à mesure que ces ressources arrivent, nous développons les projets que nous avons proposés et nous passons à la mise en œuvre. Donc, les défis immédiats, c’est le PDU, qui comporte trois piliers. Il y a l’accès à l’eau, le renforcement de la résilience et de la cohésion sociale.

Au-delà de ce PDU, pour accélérer la mise en œuvre de notre Programme d’investissements prioritaires (PIP) qui contient dans sa globalité 40 projets, nous allons accélérer le plaidoyer politique et diplomatique, mobiliser plus rapidement les financements et passer à la mise œuvre sur le terrain. D’ores et déjà, au niveau des routes qui sont contenues dans ce PIP, nous avons pu avoir une oreille attentive auprès des partenaires arabes qui se sont engagés à financer un projet par pays au cours de l’année 2019.

Donc, il y a eu de la lenteur dans le traitement des procédures des requêtes qui devraient être transmises par les Etats et on n’a pas pu boucler les financements de ces projets de route. Donc, un des défis majeurs de l’année 2020, c’est avancer sur ce dossier. Malheureusement, au niveau du Burkina, le projet de route retenu, c’est Djibo-Baraboulé et, avec le problème sécuritaire, nous serons peut-être obligés de revoir le tronçon (comme le financement était déjà identifié, nous allons voir quelle route retenir pour ne pas perdre le financement qui a été acquis).

Nous avons également un projet structurant qui concerne le ferroviaire, le Transsaharien, dont nous avons même lancé l’étude de faisabilité ici à Ouagadougou en septembre 2019 et cette étude se poursuit, nous avons bon espoir, certains partenaires n’attendent que le bouclage de l’étude pour pouvoir nous accompagner dans le démarrage de ce gigantesque projet qui sera un symbole fort d’un espace G5 Sahel tourné vers le développement !

On sait aussi que la situation sécuritaire a beaucoup entamé le monde scolaire, le G5 Sahel a-t-il des initiatives rapides envers cette frange sociale ?

Effectivement, le PATI (Programme d’aménagement territorial intégré) que nous conduisons, constitue une phase-pilote ; donc nous avons mis l’accent sur deux volets : santé et économie pastorale. Parallèlement, nous avons constaté la dégradation au niveau scolaire. Donc, le PATI II que nous allons monter et que nous allons présenter aux partenaires va davantage mettre l’accent sur la santé et comment venir en aide à ces enfants qui n’arrivent pas à aller à l’école et quelles solutions alternatives trouvées parce que ces enfants, sans système éducatif, deviennent un danger aussi (ce sont des cibles potentielles que les terroristes peuvent recruter, puis c’est un cycle sans fin qui va s’installer).

Nous ne perdons pas de vue cela et déjà, à la célébration de la journée du G5 Sahel, le 19 décembre 2019, de façon symbolique, le Secrétaire permanent a offert des kits avec l‘accompagnement des partenaires, dont le ministre en charge de l’éducation au niveau du Burkina. C’est pour dire que nous prenons en compte cet aspect au niveau de notre PIP et il y a des partenaires comme l’UNICEF qui entendent nous accompagner dans ce sens.

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